Dans le post précédent qui évoquait le « syndrome de l’imposteur », tu t’es peut-être reconnu dans le profil que j’ai brossé : des difficultés à accepter tes réussites ; des doutes sur tes réelles compétences ; le stress permanent d’être démasqué pour cette « imposture » ; les répercussions sur ton bien-être physique et psychologique, comme l’anxiété, la culpabilité, la honte, le manque de confiance en soi ?
T’es-tu demandé pourquoi « l’imposteur » avait une si faible estime de lui-même, alors qu’en réalité il est doué et qu’il possède au contraire, beaucoup de capacités ?
Les études qui ont été réalisées sur le phénomène ont été faites principalement sur des adultes. Mais d’après certains auteurs, le syndrome s’enracinerait bien plus tôt dans le parcours de vie de la personne. Dans son étude sur des adolescents, Marie-Hélène Chayer (2018)[1], montre que le sentiment d’imposture y est déjà comparable à celui retrouvé chez les adultes, sans discrimination de genre ni de classe. Ce qui veut dire que le développement de ce sentiment serait, sans doute, relativement précoce. Dès l’âge de l’école primaire.
Quels sont les ingrédients pour fabriquer un imposteur ?
Ils sont nombreux et peuvent être multifactoriels. Je ne prétends pas tous les épingler.
En voici quelques-uns:
- On retrouve le syndrome de l’imposteur chez des personnes pour qui la dynamique familiale n’a pas favorisé les renforcements positifs. Certains jeunes ressentent parfois de la dévalorisation au sein même de leur famille (ex. : « tu n’y arriveras jamais ; ces études ne sont pas faites pour toi, c’est trop difficile, laisse-moi faire, tu vas encore tout rater… »). Ces jeunes n’ont, ainsi, pas l’occasion de se construire une estime de soi positive.
- À contrario, des parents qui surévaluent[2] leur enfant peuvent engendrer chez lui, le sentiment qu’il faut réussir parfaitement pour être aimé ou pour avoir leur soutien (ex : « il faut que je réussisse absolument ; je ne peux pas rater, sinon mes parents ne seront pas fiers de moi et m’aimeront moins »). Si, par malchance, il y a échec, cela confirmera au jeune que ses parents ont effectivement surestimé ses compétences, et donc qu’il est bel et bien un imposteur.
- Pour un enfant, le fait qu’on lui attribue une étiquette, (ex : « toi tu es la gentille petite fille douce », ou bien, « toi, tu vas être comme ton père, un vrai matheux ») peut installer, chez lui, un état d’esprit fixe[3] qui ne lui permet pas de sortir de ce carcan prédestiné et finalement peut l’amener à se suffire des compétences qu’on lui a attribuées (ex : « je vais choisir l’option secrétariat puisqu’on m’a dit que de toute façon je suis… »).
- Les comparaisons sociales[4] peuvent commencer dès l’enfance, avec la fratrie, les copains. Ainsi, la personne qui les subit ne sait pas où se situer par rapport à sa propre valeur. Pourrait alors s’installer ce qu’on appelle un biais d’évaluation (« Et moi, qui suis-je ? Qu’est-ce que je sais réellement faire ? Quelle est ma vraie valeur ? »).
- Si en plus, la personne a des caractéristiques différentes de la majorité (ex : haut potentiel, autodidacte, provenance minoritaire…) elle peut se sentir illégitime ou encore renoncer à être authentique pour être adoptée par les autres[5], mais au prix de se mésestimer (« je sais faire, mais je n’ai pas de diplômes qui légitiment mon savoir-faire, donc je ne vais pas m’autoriser à… » ; « je ne vais pas dire que j’ai déjà la réponse sinon on va encore dire que je fais mon intello »).
- Un environnement familial, scolaire ou professionnel très compétitif[6], où les exigences de performances sont très élevées, et où la pression est forte, peut exacerber le biais d’évaluation négative. On le voit fréquemment dans le monde de l’entreprise, où il faut pouvoir faire sa place et montrer qu’on est fort. Il est à parier que nombreux cadres pensent, en réalité, ne pas être à la hauteur de leur statut et ont très peur de se faire démasquer et de subir, par-là, une grande honte sociale. Cela est similaire dans les lieux de formations et d’études où l’excellence est attendue des étudiants. Ils doivent se battre et se démarquer pour faire leur place. Or, des chercheurs de l’Université de l’État de Washington[7] ont démontré que les perceptions des étudiants vis-à-vis de la compétition en classe ont un impact négatif sur leur rendement. Il réduit l’engagement, l’assiduité et la performance des étudiants en augmentant les intentions de décrochage. La création d’un environnement accueillant est donc primordial.
- Certains traits de personnalité[8] favorisent le sentiment d’imposture, comme le perfectionnisme. Mais sait-on vraiment qui a commencé et entrainé l’autre ? Le syndrome, qui utilise le perfectionnisme comme stratégie ou le trait de caractère, qui est présent depuis toujours ? Je ne m’avancerai pas sur ce point, mais il est probable que l’un influence l’autre et inversement.
Un imposteur n’est pas l’autre. Les origines de ce sentiment sont diverses et les facteurs multiples : traits de personnalité, dispositions, environnements propices.
Clance[9] (1985) a mis au point un test qui aide les personnes à déterminer si elles présentent ou non des caractéristiques du syndrome de l’imposteur et à quel point elles en souffrent.
Le test est assez rapide et facile. Si tu désires savoir si tu es un imposteur, tu trouveras ce test en cliquant sur le fichier suivant.
Pour chaque question, il suffit d’entourer le nombre attaché à la phrase qui correspond le mieux à ce que tu ressens.
Après, il te revient, selon ton résultat, d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Mais si ce problème te touche personnellement et si tu as besoin d’en parler, je t’invite à me contacter. Tu trouveras mes coordonnées sur le site.
Ce qui est sûr, c’est que ce sentiment conduit à des émotions négatives qui peuvent entrainer « l’imposteur » à mettre en place des stratégies inadaptées.
C’est le point que nous développerons dans le prochain post.
Si cet article t’a intéressé, si tu veux en savoir plus, continue à me suivre sur ce blog et écris tes commentaires.
[1] Chayer M-H., Les trajectoires développementales du sentiment d’imposture, ses antécédents familiaux et ses retombées dans l’adaptation psycho-scolaire d’élèves du secondaire, Thèse de doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal, juin 2018.
[2] Chayer M-H., id
[3] Wagener B., Le syndrome de l’imposteur, blog « se-realiser »
[4] Wagener B., id
[5] Lambert P., N’est pas imposteur qui veut !, Athéna, n°351, pp35-38, mars-avril 2021
[6] Wagener B., id
[7] Psychomédia avec sources:
- Emily Reynolds, First-generation university students are at greater risk of experiencing imposter syndrome, British Psychological Society, January 9, 2020, and
- Canning E. A., Feeling like an imposter: the effect of perceived classroom competition on the daily psychological experiences of first-generation college students, Social Psychological and Personality Sciences, November 19, 2019.
[8] Lambert P., id
[9] Tiré de The Impostor Phenomenon: When Success Makes You Feel Like A Fake, p20-22, P.R. Clance, 185 Toronto, Bantham Books. Coyright 1985 Pauline Rose Clance, PhD, ABPP.
Traduction française par Ars Maëlle du document disponible en ligne sur le site de l’auteur paulineroseclance.com/pdf/IPTestandscoring.pdf
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